Archive pour : août, 2019

Jurisprudence : Le feuilleton des indemnités prud’homales pour licenciement abusif

En préambule, rappelons qu’avant les ordonnances de septembre 2017 réformant le Code du travail, en cas de licenciement abusif, la loi française ne prévoyait aucun plafond mais, au contraire, l’allocation de dommages et intérêts à hauteur d’un minimum de 6 mois de salaire brut. Depuis cette réforme, l’indemnisation est plafonnée entre 1 et 20 mois de salaire selon l’ancienneté du salarié licencié abusivement.

Lorsqu’un licenciement est déclaré « sans cause réelle et sérieuse » (comme disent les juristes) par une juridiction prud’homale, l’article 10 de la Convention n°158 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) (convention que la France a ratifiée) prescrit « le versement d’une indemnité adéquate ».

Plusieurs Conseils de prud’hommes (notamment à Troyes, Amiens, Grenoble, Agen et Lyon) ont, depuis décembre 2018, invoqué cette « loi » internationale pour allouer au salarié victime des dommages et intérêts plus élevés que le plafond désormais prévu par le code français.

Il faut ajouter que les juges de première instance ont pris le soin de motiver leurs jugements en établissant que des circonstances particulières à chaque affaire justifiaient un dépassement du plafond, lequel ne permettait donc pas une indemnisation « adéquate » dans les cas particuliers qui leur étaient soumis.

Or, dans son avis du 17 juillet 2019, la Cour de cassation a estimé que l’adjectif « adéquat » laissait aux états une « marge d’appréciation » et que la France n’avait fait qu’utiliser la liberté qui lui était laissée en adoptant une loi plafonnant l’indemnisation.

Ce n’est qu’un « avis », et pas encore un « arrêt »… Cependant, il est très probable que la Cour de cassation jugera en ce sens lorsqu’une affaire remontera jusqu’à elle. Autrement dit, la plus haute juridiction a jugé notre nouveau barème « compatible » avec le droit international du travail.

Pour les opposants au barème, c’est une défaite. Mais le feuilleton n’est pas nécessairement terminé : des rebondissements demeurent possibles. Une organisation syndicale, au moins, a annoncé son intention de porter la question devant les instances européennes et internationales.

Par ailleurs, observons comment les Cours d’appel vont accueillir cette annonce de la future jurisprudence en la matière. Certaines d’entre elles pourraient ne pas s’y soumettre totalement : une jurisprudence nuancée pourrait voir le jour sous la plume d’un magistrat subtil.

Certains combats ne sont pas livrés pour être gagnés (du moins immédiatement), mais simplement parce qu’ils doivent être livrés.

A suivre…

Les congés payés non pris peuvent-ils être supprimés par l’employeur ?

Contrairement à la « légende », ce n’est pas du tout automatique…

L’organisation de la prise des congés payés relève du pouvoir de direction de l’employeur. Les CP sont en principe pris sur une période de 12 mois. Il ne devrait pas, sauf exception (maladie par exemple), y avoir de congés payés non pris en fin de période. L’employeur doit justifier qu’il a tout mis en œuvre pour remplir son obligation, c’est-à-dire pour permettre à tous les salariés de prendre effectivement leurs 5 semaines de CP annuels.

Ce n’est qu’exceptionnellement qu’il a été admis que le salarié qui n’a pas été empêché de prendre ses congés payés et n’en a pas demandé le report les perdait. (cass. soc. 7 avril 2009 ; n° 07-45525)

Cependant, à notre sens, la responsabilité de l’employeur dans l’organisation de la prise des congés payés lui impose de veiller à ce qu’ils soient effectivement pris, quitte à les imposer ou à en admettre le report. Parfois cette possibilité de report est officialisée (accord d’entreprise ou note de service) avec une date butoir. L’employeur doit alors veiller à ce que les congés payés reportés soient effectivement pris avant cette date.

L’employeur ne peut pas proposer, et encore moins imposer, que les congés payés non pris sont remplacés par une indemnité (cass. soc. 13 juin 2012, n° 11-10929). Le salarié ne peut pas l’exiger non plus, sauf s’il n’a pas pu prendre ses congés payés du fait de l’employeur (cass. soc. 10 juin 1997, n° 94-42388).

Devant un conseil de prud’hommes, si l’employeur ne peut pas justifier qu’il a tout mis en œuvre pour remplir son obligation, il devra au salarié une indemnité compensatrice de congés payés (cass. soc. 26 mars 2014, n° 12-29324).

Autrement dit, la perte des congés payés n’est la règle que si le salarié ne les a pas posés, et qu’il n’en a pas demandé le report.

Cas particulier : le report des congés payés en cas de temps de travail annuel

(L. 3141-22 ; L. 3121-64 ; L. 3121-44 ; L. 3123-1)

Lorsque la durée du travail est décomptée sur l’année (en vertu d’une convention de forfait en heures sur l’année ou d’un aménagement du temps de travail sur l’année), un accord collectif (d’entreprise ou la convention collective) peut prévoir que les droits à congés ouverts eu titre de l’année de référence sont susceptibles d’être reportés. Ce report peut être effectué jusqu’au 31 décembre de l’année en cours.