COMMENT SOLLICITE LE RAPPEL DE CONGES PAYES SUITE AUX 3 ARRETS RENDUS PAR LA CHAMBRE SOCIALE DE LA COUR DE CASSATION EN DATE DU 13 SEPTEMBRE 2023
Par 3 arrêts du 13 septembre dernier, la Cour de cassation a révolutionné la pratique de l’acquisition des congés payés pendant la période des arrêts de travail des salariés.
En principe, ce sont les périodes de travail effectif qui ouvrent droit à l’acquisition de jours de congés payés.
En conséquence, toutes les absences assimilées à du temps de travail effectif sont prises en compte dans le calcul du nombre de jours de congés payés acquis par le salarié.
Jusqu’à très récemment, l’absence pour maladie non professionnelle ne constituait pas du temps de travail effectif, ou du moins n’était pas assimilé comme tel, alors le nombre de jours de congés payés acquis était diminué.
Par 3 arrêts rendus par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 13 septembre 2023, trois nouvelles règles ont été posées :
– Les salariés malades ou accidentés auront droit à des congés payés sur leur période d’absence, même si cette absence n’est pas liée à un accident de travail ou à une maladie professionnelle ;
– En cas d’accident du travail, le calcul des droits à congé payé ne sera plus limité à la première année de l’arrêt de travail ;
– La prescription du droit à congé payé ne commence à courir que lorsque l’employeur a mis son salarié en mesure d’exercer celui-ci en temps utile.
Désormais, les juges retiennent que :
– Pourvois n° 22-17.340 à 22-17.34 : Les salariés atteints d’une maladie non professionnelle ont le droit d’acquérir des jours de congé payé.
– Pourvoi n° 22-17.638 : Les salariés victimes d’un accident du travail doivent bénéficier d’une indemnité de congés payés pour toute la période de suspension du contrat de travail, et non pas pour une période maximum d’un an.
→ Donc, le salarié acquiert des congés payés sur toute la période de la suspension de son contrat de travail en raison d’un arrêt maladie.
La Cour de cassation s’appuie sur :
1/La notion de principe essentiel du droit social de l’Union européenne pour le droit aux congés payés : CJUE, 6 novembre 2018, aff. C-569/16 et 570/16, Bauer ;
2/ Le fait que le droit au congé annuel payé conféré par la directive à tous les travailleurs ne peut être subordonné par un Etat membre à l’obligation d’avoir effectivement travaillé pendant la période de référence établie par ledit Etat (CJUE, arrêt du 20 janvier 2009, Schultz-Hoff, C-350/06, point 41 ; CJUE, arrêt du 24 janvier 2012, Dominguez, C-282/10, point 20).
3/ Le fait qu’en cas d’impossibilité d’interpréter une réglementation nationale de manière à en assurer la conformité avec l’article 7 de la directive 2003/88/CE et l’article 31, § 2, de la Charte des droits fondamentaux, la juridiction nationale doit laisser ladite réglementation nationale inappliquée CJUE, 6 novembre 2018, aff. C-569/16 et 570/16, Bauer
4/ La Charte a vocation à être appliquée dans toutes les situations régies par le droit de l’Union et notamment dans les litiges opposant deux particuliers.
CJUE, gde ch., 6 novembre 2018, aff. C-684/16, Max-Planck-Gesellschaft zur Förderung der Wissenschaften et CJUE, 6 novembre 2018, aff. C-569/16 et 570/16, Bauer
Mais quelle est la règle en matière de prescription ?
Aux termes du pourvoi n° 22-10.529, il a été jugé que la prescription ne peut courir à compter de la fin de la période au cours de laquelle les congés auraient pu être pris, que si l’employeur justifie avoir accompli les diligences qui lui incombent légalement afin d’assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé payé.
Partant, l’on pourrait considérer que si l’employeur n’est pas en mesure de justifier avoir accompli les diligences qui lui incombent pour que le salarié puisse effectivement exercer son droit à congé payé, les droits du salarié ne sont pas prescrits, le délai n’ayant pas débuté.
La Cour de cassation s’appuie sur :
1/ La notion de principe essentiel du droit social de l’Union européenne pour le droit aux congés payés : CJUE, 6 novembre 2018, aff. C-569/16 et 570/16, Bauer ; ü Le fait que l’employeur ne puisse invoquer sa propre défaillance pour supprimer le droit aux congés payés : CJUE, 22 septembre 2022, aff. C-120/21, LB ;
2/ sa propre jurisprudence sur la nécessité pour l’employeur d’avoir pris les mesures pour assurer la possibilité d’exercer effectivement le droit aux congés : Cass. Soc. 13 juin 2012, n°11-10.929, BC V n°187 ; Cass. Soc. 21 septembre 2017, n°16-18.898, FSPB.
Par une décision du 15 novembre 2023, la Cour de cassation a accepté de transmettre au Conseil constitutionnel deux questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) sur la question du sort des congés payés en cas de maladie du salarié, et plus précisément sur les articles L.3141-3 et L.3141-5, 5° du code du travail . Après la Cour de cassation elle-même et la CJUE, ce sont les Sages qui vont maintenant devoir se pencher sur cette question.
Une réponse est attendue dans les jours à venir, le Conseil constitutionnel disposant d’un délai de 3 mois pour rendre sa décision. S’il venait à censurer ces dispositions, il pourrait décider d’en reporter les effets afin de laisser le temps au législateur de modifier les dispositions Code du travail.
Affaire à suivre.